La Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion des Détenus
La réinsertion des détenus au Maroc
Belmahi Azzeddine
Membre du Comité scientifique de la Chaire UNESCO
La création de la Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion des Détenus s’inscrit dans le cadre de l’enracinement de l’Etat de Droit et des Institutions dont le Maroc a connu une avancée notoire depuis les années 90.
La Convention Marocaine votée le 01 juillet 2011 vient étayer cette volonté de garantir les Droits des Détenus dans son article 23 qui stipule :
« Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi.
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines. Elle peut bénéficier de programmes de formation et de réinsertion. Est proscrite toute incitation au racisme, à la haine et à la violence. Le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et systématiques des droits de l’Homme sont punis par la loi ».
Le Programme de Réinsertion Socioprofessionnelle des Détenus
Le Programme de Réinsertion Socioprofessionnelle des Détenus s’inscrit dans une volonté des autorités du pays et d’abord dans une volonté royale de réforme du système pénitencier.
« … la sollicitude particulière que Nous réservons à la dimension sociale, dans le domaine de la justice, ne serait pas complète, sans que Nous assurions aux citoyens incarcérés leur dignité humaine, qui, du reste, ne leur est pas déniée du fait d’une décision de justice privative de liberté…
… parallèlement à la réforme avancée qui englobe la législation pénitentiaire et le programme d’action ambitieux dont Nous supervisons la réalisation par la Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion des Pensionnaires des Établissements Pénitentiaires, Nous avons donné nos instructions pour … veiller à l’amélioration des conditions matérielles et morales des prisonniers.»
Extrait du discours royal du 29 janvier 2003 à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire
Cette volonté est signifiée également par la présidence effective de Sa Majesté le Roi au Conseil d’Administration de la Fondation qui suit de très près les Programmes et les réalisations.[1]
Les éléments-clé de la réforme:
- Création de la Délégation Générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion jouissant de l’autonomie financière et juridique
- Création du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH)
- Création de l’Observatoire des Droits de l’Enfant(ODE)
- Instauration de l’Instance « Equité et Réconciliation » (IER)
- L’Instauration de l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH)
- Instauration de DIWANE AL MADALIME (institution pour les doléances) Institution du Médiateur
- Constitutionnalisation des droits des prisonniers (Articles 20 et 23) – 2011
Le Programme de Réinsertion Socioprofessionnelle des Détenus Programme est intégré à plusieurs composantes qui s’articulent autour de l’enseignement et de la formation professionnelle. Les activités sportives, culturelles et religieuses à but didactique, le raffermissement de la relation avec la famille et le monde extérieur, la prise en charge médicale, l’amélioration des conditions de séjour … sont des composantes contribuant à la préparation du détenu à une réinsertion aisée dans les tissus économique et social.
Pour la mise en œuvre de ce programme dans les établissements pénitentiaires l’approche par partenariat a été adoptée par la Fondation. Des conventions de partenariat ont été conclues avec les Départements Ministériels formateurs et les institutions qui dispensent les services. Ainsi, l’enseignement est pris en charge par le Ministère de l’Education Nationale; l’école de l’Etablissement Pénitentiaire relève de l’académie de la région. Tous les niveaux sont assurés, de l’alphabétisation à l’universitaire. La Formation professionnelle est assurée par l’outil de l’Etat en ce domaine : l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT). Il en est ainsi pour toutes les activités. Chaque action est menée par le professionnel qui a les compétences requises. Les activités sportives, culturelles sont prises en charge respectivement par le Ministère de la Jeunesse et des sports et le Ministère de la Culture.
La Fondation a été le levier qui a mobilisé les différents intervenants chacun selon ses compétences.
La Fondation a mis en place un dispositif de réinsertion Socioprofessionnelle des détenus qui s’articule en deux services, l’un interne, l’autre externe.
Le Service de Préparation à la Réinsertion (SPR) (à l’interne)
Le Service de Préparation à la Réinsertion (SPR) accueille le détenu, le stabilise, l’informe, établit avec lui une relation de confiance et valorise avec lui la détention. Il l’accompagne sur un projet de détention personnel à 4 axes : *familial, *administratif et judiciaire, *santé, *formation/ enseignement.
Avant la libération, un bilan des acquisitions est réalisé pour faire prendre conscience au bénéficiaire, des nouvelles acquisitions et les outils dont il dispose. Il est alors orienté vers le deuxième service après la libération.
Le Centre d’Accompagnement Post Carcéral (CAPC) (à l’externe).
Instauré au loin de la prison, le Centre d’Accompagnement Post Carcéral (CAPC) prend le relai à la libération et accompagne le détenu sur la base d’un projet de réinsertion de 4 axes également; l’enseignement/ formation est remplacé par le marché de l’emploi.
A la suite de la réinsertion sociale, l’ex détenu est inséré dans le monde du travail soit par le placement dans une entreprise citoyenne, soit par la réalisation d’un micro projet pour l’auto. Emploi.
Pour cela, des conventions de partenariat ont été passées avec la Confédération Générale des Entreprises Marocaines (CGEM) pour la sensibilisation de l’Entreprise, avec l’Agence Nationale de la Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC) pour la formation en matière de Recherche d’Emploi et avec la Fondation Banque Populaire pour le Microcrédit pour le financement des Microprojets. Des Conventions de partenariat ont aussi été signées avec la Société civile pour le suivi des actions qui relèvent de leurs compétences.
Le slogan de la Fondation illustre ces actions plurielles menées par différents intervenants :
« Leur Réinsertion Dépend de Nous »
[1] A la date d’aujourd’hui le souverain a visité 44 fois les prisons pour s’enquérir de l’avancée du Programme et des conditions de séjour des détenus.