Rapport des États-Unis au comité scientifique de la Chaire UNESCO de recherche appliquée pour l’éducation en prison
Robert J. Hill University of Georgia
12 septembre 2012
Le droit des détenus à l’éducation et à la préparation de l’insertion sociale
- I. Nature répartie de l’éducation en prison aux États-Unis
Une analyse doit être effectuée pour chaque État ainsi qu’au palier fédéral. Les ressources en éducation varient beaucoup, tout comme la population carcérale (par exemple, le Maine a le plus petit nombre de détenus, comptant 273 détenus pour 100 000 personnes, le Minnesota en comptant 300 pour 100 000 personnes, le Texas en comptant 1 000 pour 100 000 personnes, et la Louisiane comptant le nombre le plus élevé avec 1 138 détenus pour 100 000 personnes).
- II. Économie d’échelle
Les données sur les ressources dépensées, le succès (peu importe sa définition), l’inégalité de l’incarcération (profilage racial, récidivisme, degré d’intégration sociale, qualité de la formation, programmes quant aux compétences et aux connaissances, etc.) doivent tenir compte du point I ci-dessus.
- III. Violence, prévention, éducation.
Il doit y avoir une sensibilisation contre la violence à tous les paliers du complexe carcéral industriel. La violence est tolérée (et parfois encouragée) par les gardiens; la violence des gangs de rue est répandue dans les prisons; le viol et l’esclavage sexuel sont chose courante; et la situation unique propre aux transsexuels doit faire partie des efforts de sensibilisation. Cette sensibilisation doit s’étendre non seulement aux comportements manifestés en prison, mais aussi aux comportements manifestés lors de la libération et de la réintégration.
- IV. Les programmes d’éducation doivent tenir compte des expériences négatives ayant pu être vécues pendant la scolarisation avant l’incarcération.
Souvent, les détenus ont vécu négativement leur scolarisation de la maternelle à la 12e année, ce qui fait obstacle à l’enseignement pénitentiaire, vu les expériences scolaires vécues en dehors de la prison.
- V. Les questions d’éducation, de sécurité et de réintégration axées sur les clientèles particulières
Les prisons renferment souvent des clientèles particulières, dont les besoins sont différents de ceux de la population en général (la société dominante). Ces clientèles comprennent la population autochtone (Première Nation et autres autochtones), les immigrants (ce qui est particulièrement le cas aux États-Unis avec les détenus provenant du Mexique), les homosexuels, les lesbiennes, les intersexués, les transsexuels, etc.
- VI. Faire connaître le rôle négatif des lobbyistes du complexe carcéral industriel à Washington, D.C.
L’énormité du lobbying (à l’échelle étatique et fédérale, par exemple, à l’échelle fédérale : le département de la Sécurité intérieure, Immigration & Customs Enfoncement, le département de la Justice, etc.) est une force répressive silencieuse dont on n’entend pas parler, mais qui a des conséquences importantes. Par exemple, il a récemment été soulevé qu’une seule entreprise gérant environ la moitié des lits de pénitenciers privés aux États-Unis a dépensé 14,5 millions de dollars en lobbying! Il doit y avoir enquête sur l’influence des lobbyistes sur les législateurs et les représentants du gouvernement, ainsi que sur les conséquences quant à l’éducation et à l’insertion sociale. La majorité de l’argent dépensé par les gestionnaires de pénitenciers est destinée à de la formation sans lien avec l’éducation et les compétences, mais plutôt en lien avec les opérations et l’administration.
- VII. Distribution disproportionnée des sources de revenus.
En lien avec le point V ci-haut, on parle aussi de distribution disproportionnée des sources de revenus dans le complexe carcéral industriel (9 $ sur 10 sont destinés au financement des prisons, y compris pour financer des outils et du matériel d’incarcération; aux contrats de service des gardiens — particulièrement pour des services en sous-traitance, etc.). Les dépenses correctionnelles dépassent maintenant la croissance du budget alloué à l’éducation générale, au transport de la société civile et à l’aide sociale. Seules les dépenses de Medicaid augmentent plus rapidement que les dépenses correctionnelles des États. Depuis la récession américaine amorcée au début 2008, le budget alloué à l’éducation aux paliers étatique et fédéral a radicalement chuté. Les coupes budgétaires dans les services se voient particulièrement dans l’enseignement pénitentiaire et les soins de santé, ainsi que dans les efforts de surveillance communautaire et d’intégration. Quelles conséquences ces compressions ont-elles sur les conditions de vie dans les prisons et particulièrement quant à la réintégration au vu du « droit à l’éducation »?
- VIII. Emprisonnement disproportionné et conséquences sur la réintégration.
Aux États-Unis, 1 adulte sur 31 est en prison, en libération conditionnelle ou en probation (2008), soit près du tiers de la population! De ce nombre, 1 individu sur 11 est afro-américain (plus de 10 %); 1 sur 27 est latino-américain (4 %), 1 sur 45 est euroaméricain/blanc. Ces statistiques doivent être étudiées pour chacun des États. Par exemple, en Géorgie, 1 personne sur 13 est soumise à une forme de régime de sanction.
- IX. Éduquer la société civile.
Aux États-Unis, l’attitude souvent dominante suppose que les détenus ne devraient avoir aucun droit ou très peu. Une tâche préalable est donc la sensibilisation des acteurs de la société civile et des décideurs quant à la nécessité : a) du droit des détenus à l’éducation, à la formation et au développement des compétences; b) du droit à l’insertion sociale, au marché de l’emploi et à une « autre chance ».