Des obstacles à la réalisation du droit à l’éducation dans les prisons : une approche sur la réalité argentine
Auteurs : Francisco Scarfó[1] et Natalia Zapata[2]
On aborde, dans cet article, le problème concernant le droit à l’éducation des personnes privées de liberté, à partir de la reconnaissance des divers obstacles, que l’on peut observer dans les dynamiques institutionnelles du système de prisons en Argentine, et qui doivent être identifiés au moyen d’outils tels que le contrôle et le suivi pour problématiser et intervenir, tant au niveau de l’État que de la société civile.
L’éducation est considérée comme un droit humain fondamental, essentiel pour pouvoir exercer tous les autres droits et elle vise au développement du sujet. C’est l’État qui doit assurer et promouvoir tout cela et les gens peuvent bénéficier du droit à l’éducation et de tous les droits de l’homme, puisque, en théorie, le condamné est seulement privé de liberté de mouvement. Néanmoins, la société civile, l’académie et d’autres institutions intermédiaires peuvent collaborer pour garantir le respect du droit à l’éducation et d’autres droits.
Le système pénitentiaire argentin compte 61 192 personnes détenues, dont 53 % ne prennent part à aucune proposition de formation. Et bien que des lois spécifiques aient été promues dans ce domaine, dans la pratique quotidienne, on ne prend pas l’éducation comme un droit universel et inaliénable, puisque l’accès à l’éducation dans ce domaine particulier est considéré presque comme un « avantage » pour les « bons ou bonnes » prisonniers ou prisonnières, au coût des gestions pénitentiaires, et parfois avec la complicité inerte des arrangements institutionnels des écoles présentes dans les unités pénitentiaires.
Pour mener à bien le contrôle et le suivi du développement de l’éducation dans le contexte de confinement punitif, il est nécessaire de disposer d’indicateurs spécifiques qui correspondent aux critères de performance de la loi. Pour cela, le concept des 4 A — l’accès, l’accessibilité, l’adaptabilité, l’acceptabilité — (Tomasevski, 2003) est l’un des moyens les plus efficaces pour évaluer la situation du droit à l’éducation.
À partir de la proposition des 4 A, on peut résumer les obstacles identifiés dans la situation locale comme suit :
– Accès : en ce qui concerne l’accès, on peut identifier un niveau très faible d’inclusion éducative et en plus, des procédés de sélection très sévères et discrétionnaires; un manque d’information et de diffusion des offres éducatives existantes dans les unités pénitentiaires; des carences dans l’accès à la certification des études; un espace physique non convenable pour le développement des activités d’éducation; des critères de sécurité ont priorité sur les critères pédagogiques (des obstacles pour exercer le droit à l’éducation face à l’imposition de mesures disciplinaires ou de restriction); des difficultés dans l’approvisionnement de matériel didactique.
– Accessibilité : le manque de coordination entre les niveaux et la modalité d’enseignement, entre eux et avec l’extérieur, ainsi que la présence d’outils d’étude obsolètes sont des problèmes qui entravent l’accès à l’éducation pour tous les gens privés de liberté.
– Adaptabilité : le pouvoir discrétionnaire pour établir le niveau éducationnel intégrant l’étudiant et les projets d’apprentissage institutionnels, qui ne sont pas les mêmes que ceux offerts dans les écoles en dehors de la prison, sont des facteurs qui entravent la mise en pratique du droit à l’éducation en matière d’adaptabilité. Et, en plus, il y a le problème du besoin de hiérarchisation du travail d’enseignement dans un contexte de détention punitive.
– Acceptabilité : à partir de ce critère, on espère que le contenu et les méthodes d’enseignement soient pertinents du point de vue de l’éthique, qu’ils ne soient pas discriminatoires, qu’ils soient adaptés à la culture, de bonne qualité et compatibles avec l’enseignement en droits de l’homme. Parce qu’en ce qui concerne les prisons, on peut observer que les fonctionnaires judiciaires, les formateurs et même les professeurs et les étudiants conçoivent l’éducation dans une perspective tout à fait différente à ce qui est établi dans la loi, c’est-à-dire une faible représentativité et participation des étudiants dans les processus d’enseignement; l’éducation axée sur les droits de l’homme (EDH) n’est pas assumée; l’éducation n’adopte généralement pas une perspective de genre, d’attention à la diversité ethnique et sexuelle.
L’Argentine a été observée par la communauté internationale quant à la situation actuelle des prisons. Il faut considérer qu’il est possible de surmonter les conditions mentionnées ci-dessus avec des décisions politiques et la confluence de la dimension éducative et pénitentiaire dans une perspective d’action sur la base des droits de la personne et non pas du point de vue d’une action thérapeutique ou comme traitement pénitentiaire.
Notes
[2] Diplômée et professeure en communication sociale (UNLP); elle fait des études pour une maîtrise en Sciences sociales et humaines à l’Universidad Nacional de Quilmes; elle enseigne à la Faculté de Periodismo (UNLP) et fait partie du GESEC. Collaboratrice universitaire dans la préparation de cet article. Courrier électronique : materialesnatalia@yahoo.com.ar