PRIX DE LA CHAIRE UNESCO

QUÉBEC, CANADA, MARS 2017

Pour  une  deuxième  année  consécutive  la Chaire  UNESCO  de  recherche  appliquée  pour l’éducation en prison a remis des prix visant à souligner le travail exceptionnel d’enseignants, en milieu carcéral, en reconnaissance du travail exceptionnel qui se fait quotidiennement dans les  pénitenciers  fédéraux  au  Québec  ainsi que  dans  les  établissements  de  détention  de juridiction provinciale. Les critères sur lesquels étaient basées les évaluations des candidatures étaient les suivants : 

 

 

 

  •  Le  caractère  novateur  du  projet,  déjà expérimenté en milieu carcéral,
  •   Le réalisme et la pertinence du projet pour les élèves,
  •   La possibilité d’adapter le projet pour répondre à différents types de clientèles,
  •   L’impact direct du projet sur le cheminement scolaire de l’élève,
  •   Les connaissances, compétences ou habiletés acquises  durant  le  projet  qui  peuvent  être réinvesties dans la vie. 

Au  provincial,  Madame  Line  Gagné, enseignante  au  Centre  de  détention  de  Percé, a remporté le prix pour son projet de critiques cinématographiques  qu’elle  fait  faire  aux personnes  incarcérées.  L’originalité  de  son approche  réside  dans  le  fait  que  les  textes  de critique  des  films  visionnés,  devaient  aussi comporter  une  part  de  réflexion  personnelle 

portant  sur  une  thématique  imposée,  par exemple  la  résilience.  Ainsi,  non  seulement les  acquis  en  langue  française  sont  basés  sur des  objets  qui  suscitent  l’intérêt  (des  films), mais  ils  permettent  aussi  un  cheminement psychologique  qui  va  beaucoup  plus  loin  que la  simple  critique  et  nécessite  une  portion introspective.

Du  côté  du  fédéral,  la  lauréate  du  prix  est Madame  Line  Bordage,  enseignante  à l’Établissement  de  Port-Cartier,  pour  un  projet qui  s’intitule  « Vivre  en  forme ».  En  plus  de conscientiser  les  détenus  sur  les  bienfaits  de l’activité  physique  régulière  par  la  pratique  de la course à pied et l’expérimentation de divers programmes d’entrainement adaptés à plusieurs niveaux, ce projet vise à susciter une prise en charge et une responsabilisation en matière de santé  globale  et  d’hygiène  afin  de  permettre aux  personnes  incarcérées  de  développer  leur estime de soi, le respect des autres, l’entraide et la coopération.

L’équipe  de  la  Chaire  UNESCO  tient  à  féliciter les lauréates de cette année, ainsi que tous les enseignants  ayant  soumis  un  projet  pour  leur travail inestimable et leur dévotion à la cause de l’éducation en milieu carcéral. De plus, l’équipe de la Chaire UNESCO souhaite aussi remercier les  membres  du  jury,  Monsieur  Richard Coulombe et Madame Nathalie Denis sans qui cet évènement ne serait pas possible.

Line Bordage
Enseignante, langues secondes ANG/FRE à l’établissement de Port-Cartier

Il  fait  toujours  plaisir  de  voir  notre  travail  se  faire reconnaître.  Mais  lorsqu’on  pense  que  cette reconnaissance  passe  au-delà  des  frontières,  on  parle davantage de fierté et d’accomplissement.
Passionnée de la course à pied et fervente promotrice des saines habitudes de vie en général, j’étais préoccupée par  le  manque  d’activité  physique  qu’engendre l’incarcération.  Enseignant  depuis  13  ans  dans  un établissement  à  sécurité  maximum,  je  chérissais  ce projet tout en réalisant l’ampleur du processus dans un cadre rigide et sécuritaire.

Cependant, il a été relativement simple de promouvoir le  programme  considérant  les  bienfaits  indéniables de  l’activité  physique  tant  sur  le  plan  physique  que psychologique.  La  gestion  du  stress,  l’amélioration de  l’humeur,  l’optimisation  du  système  immunitaire  et l’augmentation de l’estime de soi ne sont que quelques-uns  des  nombreux  effets  positifs  qui  ont  servi  à  faire valoir  l’idée  d’un  cours  de  remise  en  forme  et  ainsi convaincre  les  dirigeants  de  la  pertinence  de  son instauration dans le cadre scolaire.

L’activité  de  fin  de  cours  en  circuit  extérieur  a  permis aux  étudiants  de  se  surpasser  et  de  mettre  à  profit leurs  apprentissages.  Après  seulement  huit  semaines d’entraînement  intensif,  chacun,  à  son  rythme,  a  pu effectuer une course de 10 km sans interruption. Pour ce faire, les étudiants se sont vu offrir une journée typique, digne  d’un  évènement  sportif  d’envergure  avec,  en bonus, une bonne dose de fierté et de reconnaissance  :  le  « Défi  Santé  et  Forme »  a  été  une  expérience inoubliable  pour  nous,  tant  sur  le  plan  physique  que psychologique. Ce fut une journée d’encouragement, de dépassement de soi, de rapprochement, mais aussi un jour, un instant, de liberté… Merci infiniment !

Bien plus qu’un cours menant à l’obtention d’un crédit de  cinquième  secondaire,  ce  programme  d’activité physique desservi en milieu carcéral procure des outils essentiels à la réinsertion sociale, répondant au besoin de  s’épanouir  de  tout  être  humain  :  estime  de  soi, considération et respect.

Line Gagné
Enseignante à la détention de Percé (Québec)

C’est  avec  beaucoup  de  fierté  que  je  reçois  ce  prix.  Il est très gratifiant de voir son travail reconnu et apprécié. Ma formation en cinéma m’a fortement influencé pour monter le cours de critique cinématographique. C’est un médium que l’on utilise peu et qui permet d’amener des échanges enrichissants.

Au départ, le but était de servir de support aux ateliers de  français,  mais  j’ai  eu  l’opportunité  d’en  faire  un cours.  L’étudiant  apprend  à  développer  son  esprit  de synthèse,  à  porter  un  jugement  critique  ce  qui  amène des  réflexions  assez  surprenantes.  Comme  je  travaille dans  une  détention  où  tous  les  crimes  commis  sont  à caractère sexuel, j’ai pensé que ce cours pourrait faire cheminer l’élève dans sa réflexion parce que la détention de  Percé  est  un  endroit  où  les  commettants  viennent suivre une thérapie.

Pour  chaque  film  visionné,  j’apporte  un  thème  avec lequel  l’étudiant  doit  travailler.  Il  faut  ensuite  qu’il l’intègre  dans  sa  critique  et  le  ramène  à  son  vécu  en lien avec son délit. Les thèmes varient, ça peut être la communication,  la  résilience,  les  valeurs  morales,  la famille, etc.

Avec toute la panoplie de films qui se fait, le choix est vaste et ça permet aux élèves d’élargir leur culture, de s’ouvrir sur le monde et voir que leur réalité rejoint celle de bien d’autres gens. L’adulte apprend dans un cadre moins rigide et la participation est plus active.

La  grille  de  correction  a  été  montée  selon  les  normes du ministère de l’Éducation du Québec, elle peut donc varier d’un endroit à l’autre. Je favorise surtout les faits vécus  et  le  cinéma  de  répertoire.  Dernièrement,  nous avons vu l’« ARRIVÉE » de Denis Villeneuve, un film où la communication joue un rôle majeur. « Lion », « Chocolat »,  « La vie est belle » font aussi partie de la liste pour cette année.  Pour  tous  ceux  qui  voudront  intégrer  le  cours de critique à leur enseignement, je souhaite de beaux moments de partage et d’ouverture.